Conseil TAC et quotas 2023 : la petite pêche méprisée

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

                                                                                                                                                                                  Le 15 décembre 2023


Conseil TAC et quotas 2023 : la petite pêche méprisée

 

10 ans. 10 ans que la dernière Politique Commune des Pêches (PCP) de l’Union Européenne a été adoptée. Celle qui devait permettre le retour à une ressource halieutique abondante, ainsi qu’un milieu marin efficacement restauré grâce à une « stratégie » ambitieuse. Cette PCP nous promettait un avenir radieux, à nous pêcheurs « à petite échelle », respectueux des écosystèmes et de la ressource halieutique. Elle avait même dédié un article, le 17ème, pour assurer que les possibilités de pêche seraient allouées suivant des critères environnementaux sociaux et économiques.

Pour quel résultat 10 ans après ?

Le bar ? un moratoire en zone nord et une baisse de 22% dans le golfe de Gascogne (GG). Le lieu jaune ? un moratoire en zone nord et une baisse de 40% du quota dans le golfe de Gascogne. Le merlan ? un moratoire en zone nord et une baisse dans le golfe. La sole, en baisse. Le cabillaud, moratoire. Le chinchard, moratoire. Voilà les avis scientifiques délivrés en 2023. Avis malheureusement confirmés par les pêcheurs sur le terrain.

Dans ces conditions extrêmement difficiles, on pouvait penser que le conseil TAC et quotas de cette année aurait une attention particulière pour la petite pêche et les ligneurs, particulièrement dépendants du lieu jaune et du bar. Hélas.

Pour le lieu jaune zone 7 (Manche), le TAC passe de 6 410 tonnes à 832 tonnes en 2024 dont 629 pour l’UE. Aucune de nos demandes n’a été considérée : ni le plafond annuel dédié aux ligneurs, ni le repos biologique, ni l’augmentation de la taille. On pourra continuer en 2024 à décimer les futurs reproducteurs, tout en achevant ce qui reste du stock de reproducteurs pendant la période de reproduction !

Pour le lieu jaune zone 8 (GG), le TAC passe de 1 482 tonnes à 698 tonnes en 2024, mais avec un quota provisoire de 500 tonnes les 6 premiers mois de l’année. Traduction : on offre près de 75% du quota de lieu jaune aux pêcheurs qui ciblent en hiver, durant sa période de reproduction, un poisson grainé de piètre qualité, en ne laissant que des miettes aux ligneurs qui le ciblent en période estivale, avec un poisson bien valorisé et d’excellente qualité…

Pour le bar en zone nord, les mesures de 2023 sont reconduites. Sur le terrain, le bar est aux abonnés absents. Situation mauvaise confirmée par le dernier avis scientifique.

Pour le bar en zone 8, après des années de hausse du quota, fermement contestées par notre association, le couperet tombe : -20.5% de baisse soit 2 162 tonnes pour la pêche professionnelle. Mais encore une fois les décisions sont prises avec trois trains de retard. En 2022, les captures professionnelles étaient déjà tombées à 1 900 tonnes pour un plafond annuel de 2 634 tonnes !!! Sur le terrain les ligneurs ne pêchent pas, alors encore une fois, il est fort probable qu’on n’atteigne pas cette limite en 2024… Et malgré cela, le Comité National des Pêches s’acharne à assouplir les règles, qui ne favoriseront que les pêches les plus destructrices, en hiver durant la période de reproduction…

Derrière les beaux discours sur la souveraineté alimentaire de la France et la défense du modèle artisanal de la pêche française, se cache la toute-puissance du lobby industriel, des pêcheurs français et néerlandais notamment. La récente élection au titre de vice-président du Comité National des Pêches du président de la Compagnie des pêches de Saint-Malo, Florian Soisson, propriété de la multinationale de la pêche néerlandaise Parlevliet & Van der Plas, face à deux représentants de pêcheurs professionnels, Olivier Leprêtre et Dimitri Rogoff, n’est qu’une illustration parmi d’autres de l’emprise tentaculaire des industriels.

Une autre illustration, bien plus « réelle », est l’armada de chalutiers géants en ce moment même dans la Manche, qui dépeuplent l’océan de milliers de tonnes de poissons, sapant l’écosystème à la base, et méprisant ce qui reste de pêcheurs artisans qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. Car la loi est pour eux, et à priori pour longtemps encore…