Rappel des faits :
Le samedi 17 octobre 2020, les autorités maritimes ont contrôlé au port de la Cotinière sur l’île d’Oléron, un navire de plaisance avec trois personnes à bord, appartenant à Eric Renaud, directeur de l’Organisation de Producteurs (OP) de la Cotinière. Les forces de l’ordre ont découvert à son bord 8 longes de thon rouge pour un poids de 42,7 kilos, pêchées et débarquées dans l’illégalité la plus complète.
La réglementation nationale fixant les conditions d’exercice de la pêche de loisir du thon rouge est stricte :
– Obligation de détenir une autorisation de pêche du thon rouge,
– Débarquement limité à un seul thon par navire et par jour,
– Chaque thon doit être marqué immédiatement après sa capture au moyen d’une bague apposée sur la queue
– Respect d’une taille minimale de 115 cm ou 30 kg
– Respecter des périodes de débarquement autorisées (du samedi 4 juillet 2020 au dimanche 30 août 2020 puis du lundi 14 septembre 2020 au vendredi 2 octobre 2020)
– Interdiction de découper/étêter/fileter toute capture en mer
Toutes ces règles ont été ignorées par le directeur de l’OP de la Cotinière… pêcheur plaisancier du samedi donc mais également président de la Société d’Armement à la Pêche Oléronais (SAPO), et armateur du chalutier Marinoë, membre de nombreuses commissions de la pêche professionnelle, au niveau départemental, régional et national, ancien vice-président du Comité Régional des Pêches. Pas vraiment un plaisancier lambda donc.
C’est pour ces raisons que l’association des ligneurs de la Pointe de Bretagne a décidé très rapidement de se constituer partie civile dans cette affaire. Le fait qu’aucune sanction ne lui soit appliquée par son Organisation à la suite de cette affaire a également fortement joué dans notre détermination à agir en justice.
Alors que nous pensions être les seules parties civiles avec Nature Environnement 17 et la LPO, il y avait finalement également le Comité Régional des Pêches de Nouvelle Aquitaine, la Fédération Nationale des Pêcheurs Plaisanciers de France et Sea Sheperd.
Bien entendu, on nous a reproché, à nous petits pêcheurs bretons, de nous mêler de choses qui ne nous regardent dans un territoire qui n’est pas le nôtre, et encore plus d’une espèce qui ne nous intéresse pas…
On ne va pas s’étendre sur la situation du bar qui n’est pas au mieux, mais nous avons tout de même rappelé que de nombreux ligneurs demandent depuis près d’une dizaine d’années une Autorisation Européenne de Pêche du Thon Rouge, et que très très peu d’entre eux en obtiennent. Que l’accès à la ressource de thon rouge pour les professionnels est donc quasi impossible, malgré la possibilité de débarquer 5 thons rouge par an et par navire en capture accessoire. Que le braconnage et la revente de thon rouge par des pêcheurs plaisanciers braconniers explose partout en France, de la Méditerranée à la Manche. Et donc que non, cette affaire n’était pas l’affaire que de 4 malheureux thons rouge pris par un plaisancier ignorant des lois. Et le nombre de parties civiles présentes à l’audience en témoigne.
La réquisition du procureur général est allée dans ce sens. Non, on ne peut pas la veille siéger dans une commission professionnelle pour lutter contre le braconnage de thon rouge et le lendemain braconner du thon rouge !
Nous avons mis en avant le fait que les 4 thons prélevés étaient certainement des thons juvéniles de moins de 30 kg, fait impossible à vérifier après la découpe réalisée par le contrevenant. Sur la question de la réglementation des tailles minimales de capture, Eric Renaud a dénoncé une position « dogmatique » et le fait qu’il fallait mieux préserver les gros géniteurs… et de faire appel à la métaphore du cerisier, dont il vaut mieux cueillir les fruits que de couper le tronc… On ne saura jamais si les jeunes thons apprécieraient d’être comparés à des cerises. Le procureur a quant à lui rappelé qu’il ne s’agissait pas d’un dogme mais de la loi… En effet.
Notre secteur, la pêche professionnelle, n’est pas un monde homogène et uniforme. NOUS ne sommes pas les chalutiers géants qui dépeuplent les Océans, NOUS ne sommes pas les navires qui pêchent des poissons par dizaines de tonnes pour un produit de piètre qualité. Nous, et avec nous les autres ligneurs, caseyeurs, fileyeurs et chalutiers artisans, avons une vision de la pêche intégrée durablement dans son écosystème, qui veille à ne prélever que ce qui est commercialisable, à respecter les quotas de pêche, à minimiser nos impacts sur l’écosystème, à protéger les juvéniles et les frayères aux périodes de reproduction. Les comportements de pêcheurs professionnels ou de personnes travaillant dans notre secteur qui enfreignent les lois sont préjudiciables à l’ensemble des pêcheurs artisans qui ont à cœur de faire évoluer la pêche, pour leur avenir, celui des Océans et celui de leurs enfants. Notre secteur a besoin d’exemplarité pour faire face aux défis environnementaux, sociétaux qui nous attendent dans les décennies à venir. Et n’en déplaise à M. Renaud, oui c’était aussi le procès de l’exemplarité qui était en jeu ce lundi 13 décembre 2021.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 10 janvier 2022.