REPONSE A LA CONSULTATION DU PUBLIC SUR LE PROJET DE RÉVISION DE LA DÉLIBÉRATION BAR GOLFE DE GASCOGNE N° B2/2023

Le 26 octobre 2023

 

Notre association est composée de marins-pêcheurs pratiquant la pêche du bar exclusivement au moyen de techniques utilisant des hameçons. Leurs navires sont de petite taille, entre 8 et 10 mètres environ, et sortent uniquement à la journée. Les ligneurs capturent généralement de petites quantités (plusieurs dizaines de kilos) d’espèces à forte valeur ajoutée qu’ils valorisent le mieux possible. Leur modèle économique repose en majorité sur le bar, qu’ils ciblent tout au long de l’année.

Pendant plusieurs décennies, le bar n’a bénéficié d’aucune évaluation scientifique ni de mesures de gestion de son exploitation. L’absence de quotas de pêche ni d’aucune limite ni individuelle ni collective associé à sa forte valeur économique a attisé les appétits de nombreux pêcheurs, souvent plus soucieux d’en capturer le plus possible, le plus rapidement possible. Et c’est en hiver, durant la période de reproduction, que cette surpêche du bar est possible, alors que les poissons sont regroupés et extrêmement vulnérables. Depuis 2007, notre association revendique comme mesure phare le repos biologique et l’impose à tous ses adhérents. Laisser le bar se reproduire, au moins durant les quelques semaines de son pic de reproduction, pour ensuite pouvoir en recueillir les fruits…

Dans la Manche, ce modèle de pêche intensive a conduit au pire. La ressource de bar y a été décimée, un moratoire de la pêche avec une dérogation pour les ligneurs a été décidé par l’Union Européenne en 2016 afin de laisser le stock se reconstituer. Des assouplissements pour la pêche au chalut et au filet ont été réclamés – et obtenus – par certaines catégories d’armateurs au fil des années. Les captures totales relevées par le CIEM (Conseil International pour l’Exploration des Mers) en 2022 atteignaient 1 831 tonnes, soit un niveau de prélèvement largement supérieur à ce qu’une espèce sous « moratoire » devrait subir. Sur le terrain, nos ligneurs ne constatent aucune amélioration de la population de bar au nord du 48ème parallèle.

Dans le golfe de Gascogne, un plafond de capture national de 2 490 tonnes a été décidé en 2017 et a diminué les années suivantes jusqu’en 2020 avec 2 032 tonnes. Suite à des avis scientifiques favorables, ce plafond a ensuite été augmenté jusqu’à atteindre 2 634 tonnes en 2023.

Mais sur le terrain, nos pêcheurs ne partagent pas du tout l’optimisme des scientifiques. Malgré les mesures de gestion mises en place depuis 2017, ils constatent au contraire une diminution de l’abondance du bar et une diminution de sa taille depuis au moins une dizaine d’années, soit des signes d’un stock en mauvaise santé. La chute des débarquements à 1 975 tonnes en 2021 (pour un plafond de capture à 2 390 tonnes) et 1 851 tonnes en 2022 (plafond à 2 436 tonnes), malgré des mesures de gestion assouplies, confirment malheureusement ce constat d’une population de bar en mauvaise santé. Les chiffres de débarquements de 2023 sont encore une fois largement inférieurs aux prévisions et le tonnage global de l’année 2023 sera sans nul doute encore une fois inférieur au plafond annuel de 2 634 tonnes. Un plafond de débarquements que nous estimons démesuré et que nous contestons. De fait, les prévisions de débarquements de bar pour 2023 par le CIEM s’élèvent à 1 765 tonnes, soit 32% de moins que le plafond de 2023

D’ailleurs, l’avis scientifique délivré en 2023 par le CIEM pour le bar dans le golfe de Gascogne confirme cette tendance décroissante et préconise une baisse de 22% des captures de bar pour 2024. Cette reconnaissance, tardive mais bienvenue, de la mauvaise santé de la population de bar devrait inciter à redoubler de vigilance et accroitre l’encadrement de la pêcherie.

Le plafond de captures professionnelles pour 2024 préconisé par le CIEM se situe dans une fourchette allant de 1 530 tonnes à 1 906 tonnes, soit une réduction substantielle par rapport au plafond de l’année 2023 (2 634 tonnes). Et pourtant, malgré cette réduction le CIEM prévoit une réduction de la biomasse du stock de bar de 4.8 à 6.8% en 2025.

 

Au contraire, le Comité National des Pêches Maritimes propose depuis 2021 d’assouplir les règles, donc d’augmenter l’effort de pêche, sur une espèce qui présente tous les signes d’un mauvais état. En augmentant les plafonds individuels et en supprimant les limitations mensuelles, notamment en hiver, lors de la période de reproduction du bar, le CNPM agit de manière complètement anachronique, reproduisant les recettes de la surpêche du XXème siècle…

Nous demandons donc qu’une approche de précaution soit considérée pour les mesures de gestion du bar en 2024, incluant les mesures suivantes :

  • La mise en place d’un repos biologique calqué sur celui appliqué par notre association, du 15 février au 15 mars
  • La ré-application des plafonds individuels annuels de 2020
  • L’absence d’augmentation du plafond annuel pour la flottille des bolincheurs
  • La ré-application des plafonds individuels mensuels de 2020

Contrairement aux avis scientifiques des sept dernières années, nos pêcheurs n’ont jamais constaté d’augmentation de l’abondance du bar et n’ont eu de cesse d’alerter sur l’importance de maintenir un cadre de gestion rigoureux permettant à ceux qui dépendent de cette espèce d’en vivre. Alors que la situation s’aggrave, avec une confirmation scientifique, il ne serait pas admissible que ni le CNPM ni l’administration en charge de la pêche l’ignorent  et appliquent ces mesures d’assouplissement incohérentes.