Avis de moratoire sur la pêche du lieu jaune : les ligneurs encore une fois menacés de disparition

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le 25 juillet 2023

 Avis de moratoire sur la pêche du lieu jaune : les ligneurs encore une fois menacés de disparition

Le 30 juin 2023, le CIEM (Conseil International pour l’Exploration des Mers), organisme chargé de délivrer les avis scientifiques pour les ressources halieutiques de l’Union Européenne, a recommandé un moratoire sur la pêche du lieu jaune dans la zone Nord (au nord du port de pêche d’Audierne).

Cet avis nous tombe dessus de manière brutale, après de nombreuses années durant lesquelles le CIEM proposait un quota « de précaution » de plus de 3 000 tonnes, quota « précautionneux » ardemment combattu par nos « représentants » et ministres des pêches, fiers d’avoir conservé pour leurs pêcheurs le droit de pêcher jusqu’à CINQ fois le tonnage réellement débarqué. Une aberration.

Ainsi en 2022, nos dirigeants politiques, si soucieux de notre avenir et des océans, ont-ils fixé un quota de lieu jaune en zone Nord à 8 000 tonnes, quand la pêche n’en a finalement débarqué que… 1 500 tonnes. Et cette situation délirante se reproduit chaque année, depuis plus de trente ans.

Une menace de mort pour de nombreux pêcheurs

Il fallait agir pour le lieu jaune. C’est une question de survie pour cette espèce bien sûr, mais aussi pour des centaines de pêcheurs de France, d’Irlande et du Royaume-Uni qui le pêchent au moyen de techniques de pêche durables, notamment à la ligne, en petite quantité de manière à le valoriser au mieux.

Ces pêcheurs sont à Ouessant, à Brest, à Roscoff, et ailleurs. Ils dépendaient principalement du bar avant qu’il ne soit lui aussi victime de la surpêche et de l’indifférence totale de ceux qui ont entre leurs mains notre avenir. Mais le bar, sous « protection stricte » depuis 2016, n’est pas revenu, et un moratoire de la pêche du lieu jaune sonnerait le glas pour de nombreux ligneurs qui en dépendent fortement. Une dépendance qui, pour certains armement, peut aller jusqu’à 100% de leur chiffre d’affaires

La politique des pêches doit respecter les poissons ET les pêcheurs

Le cas du lieu jaune, et du bar avant lui, est l’exemple même du petit jeu mortifère auquel se livrent les acteurs en charge de notre destin depuis des décennies, qu’il s’agisse d’agriculture, d’environnement ou de pêche. Les uns proposent une approche de précaution, afin de pallier à l’absence de connaissance scientifique suffisante, et les autres défendent le « statu quo », du fait de l’absence de connaissance scientifique suffisante. Jusqu’à ce qu’une catastrophe survienne…

Un plan de restauration du lieu jaune, et non un moratoire pour la zone Nord

De fait, la situation du lieu jaune est alarmante. Nos pêcheurs alertent depuis plusieurs années de la diminution de son abondance, de la baisse de la taille moyenne, et des pêches excessives réalisées par certains pêcheurs en hiver, durant sa période de reproduction.

Ils alertent également de l’impact de la plaisance qui n’est limitée par aucun quota, qui est gangrénée par un braconnage réalisé par une minorité de plaisanciers, et dont les prélèvements malheureusement inconnus, sont estimés comme très importants

Et ils souhaitent qu’un plan de restauration qui permette de sauver le lieu jaune et les pêcheurs qui le pêchent au moyen de techniques durables soit mis en place. Ce plan devrait s’inspirer des mesures prises pour le bar en zone Nord mais ne doit pas reproduire les mêmes erreurs, notamment en ce qui concerne l’augmentation de la taille minimale, dont l’augmentation trop brutale peut être insoutenable pour de nombreux petits armements.

Ce plan doit comporter les mesures suivantes :

  • Mise en place d’un plafond annuel individuel accordé en priorité aux pêcheurs les plus dépendants du lieu jaune ET pratiquant le métier de la ligne
  • Mise en place d’un quota 0 pour la plaisance
  • Augmentation de la taille minimale à 40 cm
  • Mise en place d’un repos biologique entre janvier et mars

Et un plan de gestion pour le golfe de Gascogne

La situation du lieu jaune dans le golfe de Gascogne doit être considérée maintenant avec la plus grande prudence. Ici aussi les captures sont en diminution constante depuis de nombreuses années, et ont quasiment été divisées par deux en l’espace de 10 ans, passant d’environ 2000 tonnes à 1000 tonnes en 2022. Outre le respect des recommandations du CIEM de ne pas dépasser 872 tonnes de captures totales, les mêmes mesures proposées pour la zone Nord devraient également être appliquées.

Qui sont les suivants sur la liste ?

Enfin, rappelons que de nombreuses autres espèces ne bénéficient pas d’une connaissance scientifique suffisante ni de mesures de gestion. C’est le cas du maigre, du pagre, de la dorade grise, de la daurade royale, etc. Autant d’espèces qui sont souvent vitales pour de nombreux navires de petite pêche artisanale et qui sont elles aussi susceptibles de subir le même sort que le lieu jaune et le bar avant lui.

Elles aussi ont un besoin urgent de régulation, que ce soit pour la plaisance ou pour la pêche professionnelle. Et encore une fois nous pouvons encore agir avant qu’il ne soit trop tard, en imposant une véritable approche de précaution, qui nous protège, nous les petits pêcheurs artisans, autant que toutes ces espèces dont l’avenir est en sursis.