DISPARITION DU PRESIDENT FONDATEUR

Un terrible accident de mer a conduit à la disparition de notre collègue Guillaume, et au décès d’Edouard Michelin qui avait pris place à bord de son navire, Le Liberté

Guillaume, notre ami, nous a quitté.

Fasciné par la mer, il avait décidé très tôt d’emboîter les pas de son père pour faire de ce métier de pêcheur sa raison de vivre. A 16 ans tout juste, il embarque pour un premier voyage, et alternant pêche côtière et pêche au large, il découvre en quelques années toutes les facettes de ce métier magnifique.

Posant le sac en 1983 sur l’Oiseau Migrateur, puis sur le Didier Jocelyne, c’est la révélation : il découvre la pêche à la ligne, celle du thon germon en l’occurrence. Noblesse du poisson, plaisir de la traque, mais plus que tout, il est fasciné par la force des usages. Dans ce métier de ligne plus que dans tout autre, la pratique est séculaire, et été après été, semaine après semaine, s’enchaînent les rendez vous avec le poisson, Nord des Açores en début de saison, puis Golfe de Gascogne, Pointe de Bretagne et Bassine au large de l’Irlande enfin où se termine cette mystérieuse migration.

 

De même les gestes à bord obéissent à des rites : l’ordre de mise à l’eau des lignes par exemple, « petit plomb » et « grand plomb » les premières, puis les « flottantes » en bout de perche, et pour finir les deux « bonhommes » et le « courrier ». De même pour la place de chaque membre d’équipage et jusqu’à la cambuse où chargé de cuisine dès la 1ere marée, il apprend que chaque préparation obéit à des règles immuables. Il n’y a pas 36 manières de préparer le boudin de thon, la raie en chemise ou la soupe de thon servie aux anciens au casse-croûte de 10h…

 

Guillaume aimait cet « ordre naturel », et tout au long de sa carrière, il aura gardé ce goût pour cette conformité aux usages, pour cette différenciation claire entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas.

 

Trois ans plus tard, franchissant le pas, il achète le « Liberté » un ligneur de 7m, et se lance dans cette traque des poissons de ligne qu’il ne quittera plus : bars, lieus jaunes ou dorades deviendront l’objet exclusif de sa quête. En 1995, il remplacera cette unité par un navire un peu plus fort de 8,55m, savourant comme un juste retour de disposer d’un navire adapté à sa pratique.

 

Toujours fidèle à cette vérité fondamentale voulant que la nature commande suivant son rythme et non celui des hommes, il se pliera à ses caprices, désarçonné parfois lorsque le poisson n’est pas dans les dates et manque au rendez vous attendu, rasséréné lorsque quelques jours plus tard le poisson arrive enfin, permettant au « Trou du Printemps » de continuer à s’appeler le « Trou du Printemps ».

Guillaume aurait voulu qu’il en aille toujours ainsi, simplement, justement. Il aurait voulu que chaque pêcheur se satisfasse de ne prendre de la nature que ce qu’elle veut bien lui donner, afin que pour des générations encore des fils de pêcheurs puissent perpétrer les savoirs hérités de leur père.

Il n’en allait pourtant pas toujours ainsi, et Guillaume vivait comme un déchirement chaque fois que l’homme, imprégné de cette culture du progrès à tout prix, s’employait à asservir la nature, menaçant les équilibres halieutiques au simple motif d’un enrichissement immédiat.

Son engagement militant, il le devait à ces convictions pures et nobles, et ceci l’avait conduit à différents postes de responsabilité, dans le cadre coopératif tout d’abord où il assumera la présidence de la coopérative de Mareyage du Goyen pendant quelques années, dans le cadre associatif en tant que Président Fondateur de l’association des Ligneurs de la Pointe de Bretagne, dans le cadre de l’organisation professionnelle enfin où il occupait les fonctions de Président de Comité Local depuis 3 ans déjà.

Dans toutes ses missions, il aura su nous communiquer sa dynamique en même temps que sa confiance inébranlable en la capacité des hommes à être finalement meilleurs pris collectivement plutôt qu’individuellement, convaincu que s’il y a le bien et le mal, le bien fini toujours par l’emporter.

Le hasard des rencontres avait rapproché Edouard Michelin et Guillaume, unis dans une fascination commune pour la toute puissance de la mer. Tous deux à leur manière étaient des grands hommes, pères tendres et maris aimants, mais aussi meneurs d’hommes et grands visionnaires.

La mer dans une ultime facétie les a emporté, ils laissent aujourd’hui un grand vide derrière eux.