Thon rouge : l’Appel du 26 mai 2020

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le 26 avril 2020

Le 26 mai 2020, la flottille de thoniers senneurs de Méditerranée débutera sa campagne de pêche du thon rouge. Avec un quota de 4 781 tonnes sur un total de 6 026 tonnes alloués à la France pour 2020, les 22 senneurs industriels français de Méditerranée raflent 80 % du quota national : un hold-up sur le bien commun mené depuis des décennies en toute légalité par un petit cercle de pêcheurs millionnaires, quand, en même temps, des centaines de pêcheurs artisans d’Atlantique et de Méditerranée n’ont même pas le droit de cibler le thon rouge ! C’est donc la date que nous avons choisi  comme la journée de la pêche artisanale du thon rouge, durant laquelle nous appelons les pêcheurs artisans à pêcher symboliquement un thon rouge.

Cette flottille de thoniers senneurs a pourtant été responsable de la surpêche massive de cette espèce dans les années 2000, et d’une réduction drastique des quotas de pêche à partir de 2010, au détriment des pêcheurs qui le capturaient durablement, à la ligne ou à la palangre. Capables de capturer plusieurs centaines de tonnes de thon en un seul coup de senne, ils épuisent leur quota annuel en moins d’une dizaine de jours, preuve de leur capacité de destruction massive de la ressource. Les quotas officiels ont ainsi chuté à 958 tonnes en 2011 et 2012, également victimes d’un « pay-back » soit un remboursement de dépassement de quotas réalisé par ces mêmes senneurs dans les années antérieures.

Heureusement, les restrictions imposées depuis 2010 ont permis le rétablissement du thon rouge. De 2 471 tonnes en 2013 à 6 026 tonnes en 2020, c’est une hausse de plus de 3 500 tonnes au bénéfice quasi-exclusif des senneurs industriels. Par exemple, un navire doté de 150 tonnes de thon en 2013 en possède aujourd’hui 380 tonnes !! Une prime à la surpêche en quelque sorte.

Et pour quel modèle économique ? Celui d’un secteur « indispensable à la population en permettant de sécuriser son approvisionnement alimentaire » ? Ou celui d’une filière mondialisée, où les thons capturés par milliers de tonnes durant leur période de reproduction sont engraissés dans des cages, puis expédiés à l’autre bout du monde, au Japon. L’engraissement des thons nécessite des quantités astronomiques de poissons sauvages tels que du maquereau ou des chinchards, issus une fois de plus d’une pêche industrielle qui s’accapare des milliers de tonnes de poissons au détriment de l’alimentation humaine.

Alors que, durant la crise majeure du coronavirus que nous sommes en train de vivre, les lobbies de la pêche industrielle crient haut et fort leur rôle de sauveur de la Nation, ce sont ces mêmes lobbies qui protègent ce modèle absurde d’une pêche industrielle dont l’unique objectif est d’enrichir une poignée d’armateurs, sans le moindre souci pour l’environnement, pour la sécurité alimentaire des français et encore moins pour la survie de la flotte de petite pêche artisanale.

Alors que l’on entend partout que « le monde d’après » est pour demain, que l’on mettra fin aux absurdités d’un monde dirigé par la quête du profit, qui voit du poisson congelé pêché par des chalutiers usines dans les eaux européennes partir pour l’Afrique, quand, en même temps, les sardinelles pêchées par nos collègues africains sont réduites en farine pour l’industrie de l’aquaculture d’Europe et d’Asie, c’est plus que jamais le moment pour nous, petits pêcheurs artisans, de réclamer le changement.

L’action collective en justice portée en juin 2017 afin de dénoncer les modalités de répartition du quota de thon rouge à laquelle notre structure a participé ne connait toujours aucune avancée, trois années après son lancement, trois années durant lesquelles les thoniers ont engrangé des milliers de tonnes d’augmentation de leurs droits de pêche, et nos pêcheurs, n’ont rien eu ou presqueCe mépris de l’Etat et des instances professionnelles vis-à-vis de la petite pêche artisanale est intolérable.

Le 26 mai, nous invitons tous les pêcheurs artisans, en Atlantique ou en Méditerranée, et qui s’engagent, chaque jour de l’année, à pêcher de façon durable du poisson ultra frais pour alimenter nos concitoyens, à résister au diktat de ces instances qui n’ont que faire de notre avenir. Partout sur le littoral, nous demandons aux pêcheurs artisans qui soutiennent cette action de communiquer aussi largement que possible sur la répartition inéquitable des quotas de pêche en France, et de se mettre en rapport avec nous pour l’organisation de cette journée.

 

contact : Ken Kawahara 06 25 10 32 95