Romain Vergé a 41 ans, il est ligneur à Belle-île depuis peu. Une nouvelle installation pour un pêcheur qui n’en est pas à ses débuts, lui qui a débuté sa carrière de pêcheur professionnel à 28 ans et qui a déjà plusieurs vies derrière lui assurément. Diplômé en gestion des pêches, il est passé par l’Ifremer avant d’affronter plusieurs défis. Le premier, de taille, traverser l’Atlantique à la rame, pour en prime, remporter la course en 40 jours. Le deuxième, s’installer comme ligneur* dans les eaux tumultueuses de la mythique Chaussée de Keller à Ouessant dès son retour des Antilles avec son bateau acheté avant la traversée…
Malheureusement, les années 2010 voient la ressource de bar subir une rapide dégradation, et Romain se retrouve embarqué à contrecœur dans une spirale infernale : compenser la diminution de la ressource par toujours plus de matériel, de technologie, de temps de pêche… Très loin de la philosophie qui l’a accompagnée durant son installation : pêcher peu mais pêcher bien, c’est-à-dire sélectionner de beaux poissons, capturés un à un dans des conditions favorables. Comme il le dit : « Je préfère pêcher 20 kg de beaux poissons plutôt que 200 kg capturés à la chaîne, sans passion ».
*Initialement utilisé pour désigner ceux qui pêchaient avec une ligne manipulée à la main et dotée d’un ou plusieurs hameçons, il désigne par extension les navires qui pratiquent l’ensemble des métiers utilisant des hameçons : canne, ligne, palangres.
Le constat était là : il avait perdu le sens de ce qu’il était venu chercher… C’était le moment de faire un break et de reprendre le large : partir en mission pour les Terres Australes, gérer un refuge sur le Mont Blanc … avant de revenir en 2019 à ce qui fait son ADN : la pêche. Un petit passage dans les Côtes d’Armor et le voilà à Belle-île, avec la ferme intention de rester fidèle à ses principes : exercer une pêche à petite échelle, ou plus exactement à l’échelle de son territoire. Pour Romain, le pêcheur est un acteur intégré à son environnement naturel et social. Il recherche la palette la plus large d’espèces, à la fois pour préserver les ressources halieutiques et pour offrir aux habitants une grande diversité d’espèces. Eviter de pêcher la même espèce toute l’année permet de diminuer la pression sur cette dernière, c’est rechercher un point d’équilibre entre l’homme et le milieu marin.
Les espèces qu’il compte cibler sont donc nombreuses : merlan, sars et dorades, bar, tacaud, maquereau et bien sûr thon rouge… Vous aurez compris qu’il ne souhaite pas en pêcher des tonnes… « une dizaine de poissons tout au plus », ce qui représente environ une tonne… On est très loin de la pêche industrielle pratiquée par les thoniers senneurs…
Cette philosophie de la pêche, c’est pour lui une façon de transmettre un message humaniste auprès des citoyens, mettre en valeur l’humilité du pêcheur face à la mer, et son souhait de pratiquer un métier avec le moins d’impact possible sur le milieu.